Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/89

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serai jamais inscrit comme client de Kréôn. Puisque tu m’as reproché d’être aveugle, je te dis que tu ne vois point de tes yeux au milieu de quels maux tu es plongé, ni avec qui tu habites, ni dans quelles demeures. Connais-tu ceux dont tu es né ? Tu ne sais pas que tu es l’ennemi des tiens, de ceux qui sont sous la terre et de ceux qui sont sur la terre. Les horribles exécrations maternelles et paternelles, s’abattant à la fois sur toi, te chasseront un jour de cette ville. Maintenant tu vois, mais alors tu seras aveugle. Où ne gémiras-tu pas ? Quel endroit du Kithairôn ne retentira-t-il pas de tes lamentations, quand tu connaîtras tes noces accomplies et dans quel port fatal tu as été poussé après une navigation heureuse ? Tu ne vois pas ces misères sans nombre qui te feront l’égal de toi-même et de tes enfants. Maintenant, accable-nous d’outrages, Kréôn et moi, car aucun des mortels ne succombera plus que toi sous de plus cruelles misères.

OIDIPOUS.

Qui pourrait endurer de telles paroles ? Va-t’en, abominable ! hâte-toi ! sors de ces demeures, et sans retour !

TEIRÉSIAS.

Certes, je ne serais point venu, si tu ne m’avais appelé.

OIDIPOUS.

Je ne savais pas que tu parlerais en insensé ; car, le sachant, je ne t’eusse point pressé de venir dans ma demeure.