Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/17

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La seconde fois que Leuwen la vit après le bal, il en fut traité à peine comme une simple connaissance, même il lui sembla qu’elle ne répondait pas au peu de mots qu’il lui adressait autant que la politesse la plus simple aurait semblé l’exiger. Pour cette seconde entrevue, Leuwen avait formé les résolutions les plus héroïques. Son mépris pour soi-même fut augmenté par le complet manque de courage qu’il reconnut en lui au moment d’agir.

« Grand Dieu ! un tel accident m’arrivera-t-il au moment où mon régiment chargera l’ennemi ? »

Leuwen se fit les reproches les plus amers.

Le lendemain, il était à peine arrivé chez madame de Marcilly que madame de Chasteller fut annoncée.

L’indifférence qu’on lui marqua fut si excessive que vers la fin de la visite il se révolta. Pour la première fois, il profita de la position qu’il avait prise dans le monde : il donna la main à madame de Chasteller pour la conduire à sa voiture, quoiqu’il fût évident que cette prétendue politesse la contrariait beaucoup.

— Pardonnez-moi, madame, si je suis peu discret : je suis bien malheureux !

— Ce n’est pas ce qu’on dit, monsieur, répondit madame de Chasteller avec une aisance qui n’était rien moins que natu-