Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/24

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vive était donc quelque chose de bien grave ? »

En ce moment fortuné arriva la troisième lettre de Leuwen. Les premières avaient fait un vif plaisir, mais on n’avait pas eu la moindre tentation d’y répondre. Après avoir lu cette dernière, Bathilde courut chercher son écritoire, la plaça sur une table, l’ouvrit, et commença à écrire, sans se permettre de raisonner avec soi-même.

« C’est envoyer une lettre, et non l’écrire, qui fait la démarche condamnable, » se disait-elle vaguement à elle-même.

À quoi bon noter que la réponse fut écrite avec la recherche des tournures les plus altières ? On recommandait trois ou quatre fois à Leuwen de perdre tout espoir, le mot même d’espoir était évité avec une adresse infinie, dont madame de Chasteller se sut bon gré. Hélas ! Elle était sans le savoir la victime de son éducation jésuitique : elle se trompait elle-même, s’appliquant mal à propos, et à son insu, l’art de tromper les autres qu’on lui avait enseigné au Sacré-Cœur. Elle répondait : tout était dans ce mot-là, qu’elle ne voulait pas regarder.

La lettre d’une page et demie terminée, madame de Chasteller [se] promenait dans sa chambre, presque en sautant de