Page:Stendhal - Mémoires d’un Touriste, I, Lévy, 1854.djvu/300

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Faites comprendre ces questions à des gens qui n’ont jamais lu, je ne dirai pas Bentham, mais seulement Montesquieu, dont le style est une fête pour l’esprit. Un jour un législateur se moquait de moi parce que j’avais lu Delolme (sur le gouvernement anglais).

Le Français qui veut se donner le plaisir d’habiter une ville de neuf cent mille habitants, disions-nous, doit faire le sacrifice d’une partie de sa liberté. C’est ce qu’un ministre devrait dire à la Chambre, en présentant une loi qui porterait prohibition à tous les forçats libérés et à tous les repris de justice d’habiter le département de la Seine. Un forçat ne pourrait habiter ce département que sur le dépôt d’un cautionnement de cinq mille francs, lequel serait admis par ordonnance royale. Les coquins deviennent de trop habiles gens, voyez Lacenaire.

Tout petit voleur repris de justice avant seize ans serait transféré dans une maison de travail établie à Toulon, et ne pourrait reparaître dans le département de la Seine. On pourrait les employer sur mer. Si l’on se refuse à ces mesures, on aura à foison des assassinats Maës, dont l’auteur est resté inconnu.

La police est fort bien faite ; mais, vu l’habileté des voleurs, bientôt elle deviendra impossible.

Les habitants de la rue Richelieu pourraient payer deux gardiens choisis parmi des soldats blessés (condition qui écarterait les ex-laquais de gens puissants). Ces gardiens, armés de pistolets et d’une lance, se promèneraient dans la rue Richelieu de onze heures du soir jusqu’au moment du lever du soleil, et bientôt en connaîtraient tous les habitants. L’Angleterre, l’Allemagne et l’Espagne ont de tels gardiens.

Un vieux général encore vert, un ancien préfet habitant la rue Richelieu, serait nommé Édile par le suffrage de tous les propriétaires ou locataires payant plus de cent francs d’impôts et habitant cette rue. Il surveillerait les gardiens, et ne connaîtrait que des vols ou attentats aux personnes, jamais rien de politique.