Page:Stendhal - Vie de Henri Brulard, t1, 1913, éd. Debraye.djvu/107

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ne peut pas plus agréable et vêtu avec la dernière élégance. C’était l’homme à bonnes fortunes de la ville, lui aussi se mit à faire la conversation comme à l’ordinaire avec M. Picot ; il se plaça en 4. Je fus violemment indigné et je me souvins que mon père l’appelait un homme léger. Cependant je remarquai qu’il avait les yeux fort rouges, et il avait la plus jolie figure, cela me calma un peu.

Il était coiffé avec la dernière élégance et une poudre qui embaumait ; cette coiffure consistait en une bourse carrée de taffetas noir et deux grandes oreilles de chiens (tel fut leur nom six ans plus tard), comme en porte encore aujourd’hui M. le prince de Talleyrand.

Il se fit un grand bruit, c’était la bière de ma pauvre mère que l’on prenait au salon pour l’emporter.

« Ah ! çà, je ne sais pas l’ordre de ces cérémonies », dit d’un air indifférent* M. Picot en se levant, ce qui me choqua fort ; ce fut là ma dernière sensation sociale. En entrant au salon et voyant la bière couverte du drap noir où était ma mère, je fus saisi du plus violent désespoir, je comprenais enfin ce que c’était que la mort.

Ma tante Séraphie m’avait déjà accusé d’être insensible.

J’épargnerai au lecteur le récit de toutes les phases de mon désespoir à l’église paroissiale de Saint-Hugues. J’étouffais, on fut obligé, je crois, de