Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/125

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poche, et de le dépenser comme un homme, à acheter des pommes, à faire le crâne, à étonner les moutards, qu’il appelait les pieds terreux.

— Et d’ailleurs, on n’est pas si mauvais que cela, reprit-il, il y a encore pis que moi : ce sont les vingt-quatre livres. Oh ! grands dieux, il faut les voir embarquer. Oui, j’ai vu un homme aussi vieux que vous, je peux le dire (je lui paraissais vieux) et il en avait, de la barbe ! Il fallait le voir quand nous avons été au large de la rivière, et que la boisson eût fini de produire son effet, comme il pleurait, comme il se démenait ! Je vous réponds que je me suis bien amusé de lui, je vous le dis. Et il y a aussi les tout petits : Oh ! petits par rapport à moi. Je vous certifie que je les fais marcher droit. Quand nous emmenons des tout petits, j’ai un bout de câble pour les cingler.

Et il continua ainsi, jusqu’au moment où je découvris ce qu’il entendait par les vingt-quatre livres : c’étaient ces malheureux criminels qu’on emmenait par delà la mer pour en faire des esclaves dans l’Amérique du Nord, ou les êtres plus malheureux encore qui étaient enlevés, trépassés, selon l’expression, dans un but d’intérêt privé ou de vengeance.

À ce moment même, nous avions atteint le sommet de la colline et nous vîmes, au bas, Queen’s ferry et l’Espérance.

Le golfe de Forth, qui est si connu, se rétrécit à cet endroit, au point de n’avoir plus que la largeur d’un grand fleuve, et forme ainsi un appontement bien disposé, orienté du Sud au Nord, et dont l’extrémité supérieure se contourne en un port fermé, abritant des vaisseaux de toute sorte.

Au milieu même de la partie resserrée se trouve une île, avec quelques ruines.