Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/16

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foyle et que les voix d’Iverach et de Galbraith me rappelèrent à moi-même. Le livre finissait sur cette scène et la déroute du capitaine Thornton. Hélène et ses enfants scandalisèrent le petit écolier de neuf ans que j’étais par leur défaut de réalité. Je n’en lus pas davantage, ou je ne saisis point ce que je lus. Des années s’écoulèrent avant que je fusse certain d’avoir retrouvé Diana et son père parmi les collines ou que j’eusse vu Rashleigh mourir sur la chaise. Quand je pense à ce roman et à cette soirée, je ne puis plus souffrir les autres, ils me semblent autant de fantômes, autant d’imposteurs, ils ne sont pas capables de satisfaire l’appétit qu’ils ont éveillé[1]. »


Robert Louis Stevenson eut d’autant plus le loisir de se consacrer tout entier à ses lectures, que son état de santé entravait ses études, l’empêchait de s’astreindre à un programme régulier de travail, lui donnait par nécessité ces habitudes de flâne intellectuelle dont il se ressentira toute sa vie, si bien que ce laborieux ouvrier du style paraîtra toujours un paresseux et un nonchalant. En réalité, dès qu’il sut lire, et même avant de savoir lire, Stevenson s’était habitué à composer et à imaginer. À six ans, il avait dicté à sa mère une Histoire de Moïse qu’il avait illustrée de ses croquis candides. L’année suivante, c’était une Histoire de Joseph, après une servile imitation de Mayne Reid. Depuis, toujours ballotté d’écoles en collèges, chassé de l’Écosse par le climat rude de ses hivers vers des régions plus clémentes, il ne cessa de créer des magazines scolaires aux enluminures de

  1. R. L. Stevenson, Juvenilia, p. 310 (Rosa quo locorum).