Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/176

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Or, ce chant, qu’il composa, paroles et musique, dans l’heure de notre victoire, ne me rend pas entièrement justice, à moi qui avais été à côté de lui dans la mêlée.

M. Shuan et cinq autres avaient été tués raides ou absolument mis hors de combat, mais sur ce nombre, j’en avais tué deux, les deux qui avaient passé par la lucarne ; quatre autres avaient été blessés, et sur ce nombre, l’un, et non le moins important, avait été atteint de ma main. Si bien que j’avais eu ma bonne part dans les morts et les blessés, et aurais pu prétendre à une place dans les vers d’Alan.

Mais, comme me l’a dit un jour un homme très sage, les poètes sont obligés de songer à leurs rimes, et en bonne prose Alan m’a toujours rendu amplement justice.

Pour le moment, j’étais ignorant de tout le tort qui m’était fait.

Non seulement je ne comprenais pas un mot de gaélique, mais la longue anxiété de l’attente, sa précipitation et la tension de nos deux esprits pendant le combat, et par-dessus tout, l’horreur que m’inspirait la part que j’y avais prise, m’avaient secoué si bien que, l’affaire à peine terminée, je fus heureux de me laisser tomber en chancelant sur un siège.

Ma poitrine était si contractée que je ne pouvais respirer qu’avec difficulté.

La pensée des deux hommes que j’avais tués pesait sur moi comme un cauchemar. Et tout d’un coup, avant que je me doutasse de ce qui m’arrivait, je me trouvai sanglotant et pleurant comme un enfant.

Alan me donna une tape sur l’épaule, et me dit que j’étais un brave garçon et qu’il ne me fallait qu’une chose, du sommeil.

— Je monterai la première garde, dit-il. Vous avez bien agi avec moi, David, du commencement à la fin,