Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

On mit deux hommes à la barre. De temps à autre, Hoseason lui-même donnait un coup de main. C’était un étrange spectacle que de voir ces trois hommes vigoureux portant de tout leur poids sur la barre, et celle-ci, comme si elle avait été douée de vie, luttant contre eux et les forçant à reculer.

Cela aurait été des plus dangereux si la mer n’avait été sans obstacle sur une certaine étendue.

En outre, du haut de la hune, M. Riach annonça qu’il voyait la mer libre assez loin à l’avant.

— Vous aviez raison, monsieur, dit Hoseason à Alan. Vous avez sauvé le brick, et je m’en souviendrai quand nous réglerons nos comptes.

Je crois bien qu’il était de bonne foi, et qu’il eût agi comme il le disait, tant le Covenant tenait de place dans ses affections. Mais je dois m’en tenir à de simples suppositions, car les choses tournèrent autrement qu’il ne s’y attendait.

— Faites virer d’un degré, cria M. Riach. Écueil à tribord.

À ce moment même, la marée saisit le navire et le jeta hors du vent qu’il avait dans ses voiles.

Il tourna dans le vent comme une toupie, et la minute d’après, donna contre l’écueil si subitement que nous fûmes tous jetés à plat ventre sur le pont, et que M. Riach faillit dégringoler de son poste sur le mât.

En une minute, je fus debout.

Le récif, sur lequel nous avions donné, était tout près de l’extrémité sud-ouest de Mull, un peu vers une petite île qu’on nomme Earraid, et qu’on voyait comme un contour bas et noir à bâbord.

Parfois la houle venait droit au-dessus de nous, parfois elle se bornait à secouer le pauvre brick sur le rocher, au point que nous pouvions l’entendre se disloquer.