Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/207

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En somme, non seulement toute l’île d’Earraid, mais encore le pays adjacent de Mull, qu’on nomme Ross, n’est pas autre chose qu’une succession de blocs granitiques, entre lesquels pousse un peu de bruyère.

Tout d’abord, la crique continuait à se rétrécir, comme je m’y étais attendu, mais bientôt, je fus surpris de m’apercevoir qu’elle s’élargissait de nouveau.

Je me grattai la tête, ne soupçonnant encore rien de la réalité, enfin j’arrivai à un endroit d’un niveau plus élevé, et il me vint soudain à l’esprit que j’avais été jeté sur un îlot stérile, et séparé de tout le reste de la terre par de l’eau de mer.

Au lieu du soleil qui devait se lever pour me sécher, ce fut la pluie, qui arriva avec un épais brouillard, de sorte que ma situation devint lamentable.

J’étais debout sous la pluie, je frissonnais, je me demandais avec embarras ce que je devais faire, jusqu’à ce qu’il me vînt à l’esprit que peut-être la crique pouvait être franchie à gué.

Je revins donc en arrière, jusqu’à l’endroit où elle était le plus étroite, et je m’y avançai.

Mais j’étais à peine éloigné à trois ou quatre pas du rivage que je fis un plongeon jusqu’aux oreilles, et si jamais on me revit plus tard, ce fut plutôt grâce à Dieu qu’à ma propre prudence que je le dus.

Cette mésaventure ne me mouilla pas plus que je ne l’étais, mais elle me glaça davantage, et après avoir renoncé à une nouvelle espérance, je me sentis plus malheureux qu’auparavant.

À ce moment même, je pensai soudain à la vergue. Puisqu’elle m’avait porté à travers la marée, elle me servirait bien pour franchir sans danger cette petite crique d’eau tranquille.