Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une sorte de plat ou saucière, dont l’intérieur pouvait loger trois ou quatre hommes.

Pendant tout ce temps, Alan n’avait pas prononcé un mot.

Il avait couru et grimpé avec une si sauvage énergie, une telle rage silencieuse, une telle précipitation, que je compris qu’il craignait terriblement qu’il survînt quelque malheur.

Même maintenant que nous étions sur le rocher, il ne dit rien. Il gardait ce même froncement de sourcils sur la figure, et même il s’aplatit tant qu’il put contre le rocher, n’ayant qu’un œil au-dessus du rebord de notre abri et inspectant le tour de l’horizon.

Le jour s’était tout à fait levé. Nous pouvions voir les pentes pierreuses de la vallée, ainsi que son fond, qui était semé de blocs, la rivière qui décrivait des zigzags, avec ses cascades blanches, mais nulle part la fumée d’une maison, nuls êtres vivants, excepté quelques aigles qui voltigeaient autour d’un escarpement en criant.

Enfin Alan sourit.

— Oui, dit-il, maintenant nous avons une chance.

Puis me regardant d’un air plaisant, il reprit :

— Vous n’êtes pas fort pour sauter.

Ces mots me firent sans doute rougir d’embarras, car il ajouta aussitôt :

— Bah ! il n’y a pas à vous en blâmer. Avoir peur d’une chose, et la faire quand même, voilà qui indique la meilleure sorte d’hommes. D’ailleurs, il y avait de l’eau là-bas dessous et l’eau est une chose qui me fait reculer moi-même. Non, non, dit-il encore, ce n’est pas vous qui méritez le blâme, c’est moi.

Je lui demandai pourquoi.

— Pourquoi ? répondit-il, c’est que cette nuit je me