Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/358

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d’un bateau pour passer à la faveur de la nuit dans le Lothian, si nous avions quelqu’un de discret et d’honnête pour conduire le bateau et le ramener ici, il y aurait deux existences sauvées, la mienne, selon toute probabilité, et la sienne, en toute certitude. Si nous ne trouvons pas ce bateau, nous n’avons au monde que trois shellings. aller ? Que faire ? quel autre endroit nous attend, ici, si ce n’est une potence avec ses chaînes. Je vous parle nettement, n’est-ce pas ? Nous laisserez-vous dans cet embarras terrible, ma jeune demoiselle ! Quand vous serez couchée bien chaudement dans votre lit, vous penserez à nous, pendant que le vent grondera dans la cheminée, et que la pluie tambourinera sur le toit. Et quand vous prendrez votre repas au coin d’un bon feu, est-ce que vous songerez à ce pauvre garçon que voilà, les doigts bleuis de froid et raidi par la faim ? Qu’il soit malade ou bien portant, il faudra qu’il marche, et ayant toujours la gorge serrée par la mort, il lui faudra toujours se traîner sous la pluie par les routes sans fin. Et quand il sera prêt de rendre l’âme sur un tas de froides pierres, il n’aura près de lui d’autres amis que moi et Dieu.

À cette supplication, je vis bien que la jeune fille était dans un grand embarras.

Elle était tentée de nous aider et, néanmoins, elle avait quelque crainte de secourir des malfaiteurs.

Je me décidai donc à intervenir moi-même et à lever ses scrupules en lui révélant une partie de la vérité.

— Avez-vous quelquefois, dis-je, entendu parler de M. Rankeillor, de Queensferry ?

— Rankeillor, le légiste ? dit-elle. Oh, oui, certes !

— Eh bien, dis-je, c’est chez lui que je dois me