Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/363

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grand air, mais tels quels, ils me firent rougir de mes hideuses guenilles.

Dès que vint le matin, que les foyers commencèrent à s’allumer, les fenêtres à s’ouvrir, les gens à sortir des maisons, l’embarras et le découragement m’enveloppèrent comme d’un nuage noir.

Je vis alors que je n’avais aucune preuve à donner, qu’il m’était impossible de démontrer mes droits, et même mon identité.

Si tout cela n’était qu’une bulle de savon, j’étais vraiment bien dépouillé, et je restais dans une piteuse situation.

Et même si les choses étaient telles que je les concevais, il faudrait évidemment du temps pour établir mes revendications, et avais-je si peu de temps que ce fût, avec moins de trois shellings en poche, et l’obligation de faire embarquer un homme condamné et traqué ?

Vraiment, si mon espérance se brisait sous moi, il pouvait s’agir de la potence pour nous deux.

Et je continuai à aller et venir ; je voyais les gens me regarder de travers dans la rue ou aux fenêtres, se faire des signes ou se dire quelques mots en souriant.

J’eus dès lors de nouvelles appréhensions ; ne serait-ce pas déjà chose malaisée que d’obtenir une entrevue avec l’homme de loi, et plus malaisée encore de le convaincre de la vérité de mon histoire ?

Si nécessaire que cela fût, je ne pus prendre sur moi de m’adresser à un de ces respectables bourgeois.

Je trouvais même honteux de leur parler dans ce costume fait de guenilles boueuses, et si je leur avais demandé où demeurait un personnage tel que M. Rankeillor, je supposais qu’ils m’auraient éclaté de rire au nez.