Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/375

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nezer, qui était l’admiré, le préféré, l’enfant gâté, comptait évidemment sur le succès, et quand il dut reconnaître son erreur, il poussa des cris de paon. Tout le monde l’entendit.

Le voilà qui tombe malade, et sa sotte famille s’empressa toute éplorée autour de son lit.

Puis, il chevauche d’une auberge à l’autre, versant le récit de ses déboires dans le gilet de Tom, de Dick, de Harry.

Votre père, monsieur David, était un gentleman plein de bonté, mais d’une faiblesse… d’une faiblesse pitoyable.

Sa figure s’allongeait désespérément à toutes ces frasques, et un beau jour — permettez-moi de le dire, — il renonça à la dame. Elle n’était pas sotte à ce point, cependant ; c’est d’elle que vous devez tenir votre grand bon sens. Elle refusa de se laisser transférer de l’un à l’autre. Tous deux se jetèrent à genoux devant elle, et pour cette fois, le seul résultat qu’ils obtinrent fut qu’elle les mit tous deux à la porte. Cela se passait au mois d’août, mon Dieu ! l’année même où je quittai le collège.

Cette scène dut être d’un haut comique. Je me disais à part moi que c’était là une bien sotte affaire, mais je ne pouvais oublier que mon père y jouait un rôle.

— Assurément, monsieur, dis-je, il y avait là quelque chose qui tient de la tragédie.

— Mais non, monsieur, pas du tout, repartit le légiste, car la tragédie exige qu’on se chamaille pour quelque chose de pondérable, pour un dignus vindice nodus[1], et tout cet imbroglio avait pour origine l’étourderie d’un petit âne qui avait été gâté, et le seul

  1. Pour un dénoûment digne du vengeur.