Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/95

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mit de voir la chambre la plus nue sur laquelle se soit porté mon regard.

Une demi-douzaine d’assiettes étaient rangées sur des étagères ; le souper placé sur la table consistait en un bol de soupe, une cuiller en corne et un pot de petite bière.

À part les objets que je viens de nommer, il n’y avait absolument rien dans cette chambre, à la voûte de pierre, vaste et spacieuse, si ce n’est des coffres fermés par de fortes serrures, rangés le long du mur, et une commode d’encoignure munie d’un cadenas.

Dès que la dernière chaîne eût été replacée, l’homme me rejoignit.

C’était un être laid, courbé, aux épaules étroites, à la face terreuse, on lui eût donné n’importe quel âge entre cinquante et soixante-dix ans.

Il avait un bonnet de nuit en flanelle, comme la robe de chambre qu’il portait au lieu de gilet et d’habit sur sa chemise déchirée.

Il ne s’était pas rasé de longtemps, mais ce qui m’inquiétait le plus, ce qui même me terrifiait, c’était que, tout en ne détachant jamais ses yeux de ma figure, il ne me regardait jamais franchement en face.

Qu’était-il par profession ou de naissance ?

C’était plus que je ne pouvais en deviner, mais il avait toute l’apparence d’un vieux domestique tout à fait au rancart, auquel on aurait confié la garde de cette vaste maison, sans autre salaire que sa nourriture.

— Avez-vous les dents longues ? me demanda-t-il en regardant au niveau de mon genoux. Vous pouvez manger ce bol de soupe.

Je lui répondis que je craignais que ce ne fût là son propre souper.

— Oh ! fit-il, je puis parfaitement m’en passer.