Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. André Laurie.djvu/179

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On n’a plus entendu parler de Silver. Ce terrible marin à une jambe ne joue plus aucun rôle dans ma vie. Je me plais à croire qu’il a retrouvé sa vieille négresse et qu’il vit en paix dans quelque coin, avec elle et son perroquet.

Autant que je puis le savoir, l’argent en barre et les armes sont encore dans l’île, à l’endroit où Flint les a enfouis. Je suis, pour mon compte, parfaitement décidé à les y laisser. Pour rien au monde on ne me ferait recommencer une expédition pareille. Mon pire cauchemar est encore d’entendre des lames se jeter sur les brisants, et il m’arrive de me réveiller en sursaut avec la voix perçante de capitaine Flint me criant aux oreilles : « Pièces de huit… »

Ai-je besoin de dire avec quelle joie ma pauvre mère me vit revenir, avec quel bonheur je la retrouvai, et combien il me parut bon et doux de lui assurer à côté de moi une existence heureuse et tranquille !

Le docteur s’était attaché à moi, et je lui avais voué de mon côté une admiration et une affection passionnées. Il a entrepris de refaire mon éducation, et il prétend qu’il est sûr d’y réussir. Selon lui, il n’est jamais trop tard pour bien, pour mieux faire. Son ambition serait de faire de moi un médecin instruit. « C’est dans cette profession-là seulement, dit-il pour m’encourager, qu’un homme de bon propos peut être à lui tout seul utile à son prochain. » Le squire est de son avis, et le lecteur pensera comme moi que je n’avais rien de mieux à faire que de me laisser guider dans la vie par ces deux honnêtes gens.