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L’ÎLE AU TRÉSOR


I

LE VIEUX LOUP DE MER.


On me demande de raconter tout ce qui se rapporte à mes aventures dans l’île au Trésor, — tout, depuis le commencement jusqu’à la fin, — en ne réservant que la vraie position géographique de l’île, et cela par la raison qu’il s’y trouve encore des richesses enfouies. Je prends donc la plume, en l’an de grâce 1782, et je me reporte au temps où mon père tenait sur la route de Bristol, à deux ou trois cents pas de la côte, l’auberge de l’Amiral-Benbow.

C’est alors qu’un vieux marin, à la face rôtie par le soleil et balafrée d’une immense estafilade, vint pour la première fois loger sous notre toit. Je le vois encore, arrivant d’un pas lourd à la porte de chez nous, suivi de son coffre de matelot qu’un homme traînait dans une brouette. Il était grand, d’apparence athlétique, avec une face au teint couleur de brique, une queue goudronnée qui battait le col graisseux de son vieil habit bleu, des mains énormes, calleuses, toutes couturées de cicatrices, et ce coup de sabre qui avait laissé sur sa face, du front au bas de la joue gauche, un sillon blanchâtre et livide… Je me le rappelle comme si c’était d’hier, s’arrêtant pour regarder tout autour de la baie