Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. André Laurie.djvu/50

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— Assurément ! s’écria le squire.

— Eh bien, puisque vous m’avez écouté patiemment tandis que j’énonçais de simples opinions sans preuves, laissez-moi vous donner un avis. On est en train d’arrimer la poudre et les armes dans le magasin de l’avant. Il y a toute la place nécessaire à l’arrière, sous le salon ; pourquoi ne pas y mettre l’arsenal ? Premier point. Puis, vous emmenez avec vous quatre hommes sûrs et j’apprends qu’ils vont être logés avec l’équipage. Pourquoi ne pas leur donner les couchettes disponibles autour du salon ? Second point.

— Y en a-t-il d’autres ? demanda M. Trelawney.

— Un de plus, reprit le capitaine. On a déjà trop bavardé.

— Beaucoup trop, affirma le docteur.

— Je vais vous répéter ce que j’ai entendu dire, poursuivit le capitaine Smollett. Il paraît que vous avez la carte d’une île, qu’il y a des croix à l’encre rouge sur cette carte pour marquer où sont cachés certains trésors, et que l’île est située par… (Il nomma exactement la longitude et la latitude.)

— Je n’ai jamais dit cela à âme qui vive ! s’écria le squire.

— Pourtant, l’équipage le sait, Monsieur, répliqua le capitaine.

— Livesey, il faut que ce soit vous ou Hawkins ! protesta M. Trelawney.

— Peu importe qui c’est ! » répondit le docteur.

Et je vis bien que ni lui ni le capitaine n’attribuaient grande importance aux dénégations du squire. Moi non plus, à vrai dire : il était si bavard ! et cependant je crois qu’il avait raison, cette fois, et que, pas plus que nous autres, il n’avait indiqué la position de l’île.

« Je disais donc, Messieurs, reprit le capitaine, que j’ignore où et en quelles mains se trouve cette carte. Mais je demande formellement qu’on ne la communique ni à M. Arrow ni à moi. S’il en était autrement, je prendrais la liberté de donner ma démission.

— Si je vous comprends bien, dit le docteur, vous déclinez toute responsabilité à cet égard, et vous demandez que nous fassions de l’arrière une sorte de citadelle, avec les domestiques personnels de M. Trelawney pour garnison, et le monopole exclusif de toutes les armes et munitions… En d’autres termes, vous craignez une révolte.

— Monsieur, répliqua le capitaine, je n’ai pas l’intention de me fâcher, mais il ne faut pas me faire dire ce que je ne dis pas. Un capitaine n’aurait pas le droit de prendre le large s’il avait des raisons positives de craindre pareille chose et, pour mon compte, je ne le ferais pas. Je suis persuadé que M. Arrow est un honnête homme. J’en dis autant d’une partie de l’équipage, et je veux bien croire qu’on pourrait en dire autant du reste, que je ne connais pas. Mais je suis responsable du navire, responsable de la vie du dernier homme qui s’y trouve. Il me paraît que tout ne va pas comme il le