Page:Stevenson - Le Mort vivant.djvu/207

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Hazeltine avait à être tenue à l’abri des recherches probables de ses persécuteurs ; et comme il se trouvait posséder un yacht, il jugea qu’aucune autre retraite ne pouvait être plus sûre pour l’infortunée jeune fille. Le matin même du jour où Gédéon se rendait à Hampton Court, Julia, en compagnie de M. et de Mme Bloomfield, avait quitté Londres à bord du yacht familial. Et Gédéon, comme l’on pense, aurait bien aimé être du voyage : mais son oncle n’avait pas cru devoir lui accorder cette faveur. « Non, Gid ! lui avait-il dit. On va évidemment te filer ; il ne faut pas qu’on te voie avec nous ! » Et le jeune homme n’avait pas osé contester cette étrange illusion ; car il craignait que son oncle ne se relâchât de son beau zèle pour la protection de Julia, s’il découvrait que l’affaire n’était pas aussi romanesque qu’il se l’était figurée. Au reste, la discrétion de Gédéon avait eu sa récompense ; car le vieux Bloomfield, en lui posant sur l’épaule sa pesante main, avait ajouté ces mots, dont la signification avait été aussitôt comprise : « Je devine bien ce que tu as en tête, Gédéon ! Mais si tu veux obtenir cette jeune fille, il faudra que tu travailles, mon gaillard, entends-tu ? »

Ces agréables paroles avaient déjà contribué à égayer l’avocat lorsque, ayant pris congé des