Page:Stevenson - Le Mort vivant.djvu/215

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gris de l’aube avec le jaune des becs de gaz. Il y a des matinées où la ville tout entière semble s’éveiller avec une migraine : c’était une de ces matinées-là, et la migraine tenaillait également la nuque et les tempes du pauvre Gédéon.

« Déjà le jour ! se dit-il, et je n’ai encore rien trouvé ! Il faut que cela finisse ! » Il referma le piano, mit la clef dans sa poche, et sortit pour aller prendre son café au lait. Pour la centième fois son cerveau tournait comme une roue de moulin, broyant un mélange de terreurs, de dégoûts, et de regrets. Appeler la police, lui livrer le cadavre, couvrir les murs de Londres d’affiches décrivant John Dickson et Ezra Thomas, remplir les journaux de paragraphes intitulés : le Mystère du Temple, le Piano macabre, M. Forsyth admis à fournir caution : c’était là une ligne de conduite possible, facile, et même, en fin de compte, assez sûre ; mais, à bien y réfléchir, elle ne laissait pas d’avoir ses inconvénients. Agir ainsi, n’était-ce pas révéler au monde toute une série de détails sur Gédéon lui-même qui n’avaient rien à gagner à être révélés ? Car, enfin, un enfant se serait méfié de l’histoire des deux aventuriers, et lui, Gédéon, tout de suite il l’avait avalée. Le plus misérable avocaillon aurait refusé d’écouter des clients qui se présentaient à lui dans