Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/144

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plus efficacement pour une femme adorée… devenir esprit… parfum… lumière !…

— Oui, esprit, parfum, lumière… dit Rodin en appuyant sur ces mots ; mais ce n’est pas un rêve… Que de religieux, que de moines reclus sont, comme M. de Rancé, arrivés à une divine extase à force de prières, d’austérités, de macérations ; et si vous connaissiez les célestes voluptés de ces extases !… Ainsi, aux visions terribles de M. de Rancé succédèrent, lorsqu’il se fut fait religieux, des visions enchanteresses… Que de fois, après une journée de jeûne et une nuit passée en prières et en macérations, il tombait épuisé, évanoui, sur les dalles de sa cellule !… Alors, à l’anéantissement de la matière succédait l’essor des esprits… Un bien-être inexprimable s’emparait de ses sens ;… de divins concerts arrivaient à son oreille ravie ;… une lueur à la fois éblouissante et douce, qui n’est pas de ce monde, pénétrait à travers ses paupières fermées ; puis, aux vibrations harmonieuses des harpes d’or des séraphins, au milieu d’une auréole de lumière auprès de laquelle le soleil est pâle, le religieux voyait apparaître cette femme si adorée…

— Cette femme que, par ses prières, il avait enfin arrachée aux flammes éternelles ? dit M. Hardy d’une voix palpitante.