Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/17

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quelquefois, presque à leur insu, les enlève à la terre et les ravit au ciel ; car c’est se rapprocher de Dieu que de se livrer avec une religieuse ivresse au plus noble, au plus irrésistible des penchants qu’il a mis en nous… le seul penchant enfin que, dans son adorable sagesse, le dispensateur de toutes choses ait voulu sanctifier en le douant d’une étincelle de sa divinité créatrice…

Djalma leva les yeux ; ils étaient à la fois humides et étincelants ; la fougue d’un amour exalté, la brûlante ardeur de l’âge, si longtemps comprimée, l’admiration exaltée d’une beauté idéale se lisaient dans ce regard, empreint cependant d’une timidité respectueuse, et donnaient aux traits de cet adolescent une expression indéfinissable, irrésistible…

Irrésistible !… car, Adrienne, rencontrant le regard du prince, frémit de tout son corps, se sentit comme attirée dans un tourbillon magnétique. Déjà ses yeux s’appesantissaient sous une lassitude enivrante lorsque, par un suprême effort de vouloir et de dignité, elle surmonta ce trouble délicieux, se leva de son fauteuil, et, d’une voix tremblante, elle dit à Djalma :

— Prince, je suis heureuse de vous recevoir ici.