Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/173

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deux pauvres orphelines, contre cette généreuse demoiselle… Oh ! ces gens-là sont bien puissants… J’aimerais mieux affronter un carré de grenadiers russes qu’une douzaine de ces soutanes. Mais ne parlons plus de ça, j’ai bien d’autres sujets de chagrin et de crainte.

Puis, voyant l’air surpris d’Agricol, le soldat, ne pouvant contenir son émotion, se jeta dans les bras de son fils, en s’écriant d’une voix oppressée :

— Je n’y tiens plus, mon cœur déborde ; il faut que je parle… et à qui me confier, sinon à toi ?…

— Mon père… vous m’effrayez ! dit Agricol, que se passe-t-il donc ?

— Tiens, vois-tu… sans toi et ces deux pauvres petites, je me serais vingt fois brûlé la cervelle… plutôt que de voir ce que je vois… et surtout de craindre… ce que je crains.

— Que crains-tu donc… mon père ?

— Depuis quelques jours, je ne sais pas ce qu’a le maréchal, mais il m’épouvante.

— Cependant, ses derniers entretiens avec mademoiselle de Cardoville…

— Oui… il y avait un peu de mieux. Par ses bonnes paroles cette généreuse demoiselle avait répandu comme un baume sur ses blessures ; la présence du jeune Indien l’avait aussi