Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/219

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qui jetait les filles dans les bras du père ; une révélation soudaine leur donnait la foi au moment fatal où une défiance incurable allait à jamais les séparer.

En une seconde, le maréchal sentit tout cela, mais les expressions lui manquèrent… Palpitant, égaré, baisant le front, les cheveux, les mains de ses filles, pleurant, soupirant, souriant tour à tour, il était fou, il délirait, il était ivre de bonheur ; puis enfin il s’écria :

— Je les ai retrouvées… ou plutôt… non, non, je ne les ai jamais perdues… Elles m’aimaient… Oh ! je n’en doute plus, à cette heure… Elles m’aimaient… elles n’osaient pas… me le dire :… je leur imposais… Et moi qui croyais ;… mais c’est ma faute… Ah ! mon Dieu ! que cela fait de bien ! que cela donne de force, de cœur et d’espoir ! Ha ! ha ! s’écria-t-il, riant, pleurant à la fois, et couvrant ses filles de nouvelles caresses, qu’ils viennent donc me dédaigner, me harceler ; je défie tout maintenant. Voyons, mes beaux yeux bleus, regardez-moi bien, oh ! bien en face… que cela me fasse revivre tout à fait.

— Ô mon père !… vous nous aimez donc autant que nous vous aimons ? s’écria Rose avec une naïveté enchanteresse.

— Nous pourrons donc souvent, bien sou-