Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/327

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Au secours ! au secours ! l’enragé !…

Il est impossible de peindre la mêlée désespérée furieuse, qui suivit cette panique de gens effarés se ruant sur l’unique porte de l’antichambre afin d’échapper au péril qu’ils redoutaient, et là, luttant, se battant, se foulant aux pieds afin de fuir par cette étroite issue.

Au moment où le dernier de ces malheureux parvenait à gagner la porte, se traînant épuisé sur ses mains ensanglantées, car il avait été renversé et presque écrasé durant la mêlée, Morok, l’objet de tant d’épouvante… Morok apparut.

Il était horrible… un lambeau de couverture ceignait ses reins ; son torse blafard et meurtri était nu ainsi que ses jambes, autour desquelles se voyaient encore les débris des liens qu’il venait de briser ; son épaisse chevelure jaunâtre se roidissait sur son front ; sa barbe semblait se hérisser, par la même horripilation ; ses yeux, roulant égarés, sanglants dans leur orbite, brillaient illuminés d’un éclat vitreux ; l’écume inondait ses lèvres ; de temps à autre il poussait des cris rauques, gutturaux ; les veines de ses membres de fer étaient tendues à se rompre ; il bondissait par saccades comme une bête fauve, en étendant devant lui ses doigts osseux et crispés.