Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/417

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habitude, s’était lentement et tortueusement avancé vers le petit borgne, afin d’avoir le temps de bien examiner et de pénétrer sûrement sous cette joviale écorce ; mais le Romain ne lui en laissa pas le temps ; dans l’élan de son impétueuse affectuosité, il s’élança presque de la porte au cou de Rodin, en le serrant entre ses bras avec effusion, l’embrassant, le réembrassant encore, et toujours sur les deux joues, et si plantureusement et si bruyamment, que ces baisers monstres retentissaient d’un bout de la chambre à l’autre.

De sa vie, Rodin ne s’était trouvé à pareille fête ; de plus en plus inquiet de la fourbe que devaient cacher de si chaudes embrassades, sourdement irrité d’ailleurs par ses mauvais pressentiments, le jésuite français faisait tous ses efforts pour se soustraire aux marques de la tendresse assez exagérée du jésuite romain ; mais ce dernier tenait bon et ferme ; ses bras, quoique courts, étaient vigoureux, et Rodin fut baisé, rebaisé, par le gros petit borgne, jusqu’à ce que celui-ci manquât d’haleine.

Il est inutile de dire que ces accolades enragées étaient accompagnées des exclamations les plus amicales, les plus affectueuses, les plus fraternelles ; le tout en assez bon français, mais avec un accent italien des plus prononcés,