Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/494

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— Ah !… il vous faut du sang !… eh bien !… du sang… et le vôtre… si je peux…

Et le jésuite, dans toute la vigueur de l’âge, la face empourprée, ses grands yeux gris étincelants de haine, tomba en garde avec l’aisance et l’aplomb d’un gladiateur consommé.

— Enfin !… s’écria le maréchal en s’apprêtant à croiser le fer.

Mais la réflexion vint encore une fois éteindre la fougue du père d’Aigrigny ; il songea de nouveau que ce duel hasardeux comblerait les vœux de Rodin, dont il tenait le sort entre les mains, qu’il allait écraser à son tour et qu’il exécrait plus encore peut-être que le maréchal ; aussi, malgré la furie qui le possédait, malgré son secret espoir de sortir vainqueur de ce combat, car il se sentait plein de force, de santé, tandis que d’affreux chagrins avaient miné le maréchal Simon, le jésuite parvint à se calmer, et à la profonde stupeur du maréchal, il baissa la pointe de son épée en disant :

— Je suis ministre du Seigneur, je ne dois pas verser de sang. Cette fois encore, pardonnez-moi mon emportement, Seigneur, et pardonnez aussi à celui de mes frères qui a excité mon courroux.

Puis, mettant aussitôt la lame de l’épée sous son talon, il ramena vivement la garde à soi,