Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/76

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qu’il m’a retiré d’au milieu de vous, mes amis, sans doute parce que, malgré mes bonnes intentions, je ne le servais pas comme il voulait être servi ;… j’avais toujours en vue la créature plus que le Créateur…

— Et comment pouviez-vous mieux servir, mieux honorer Dieu, monsieur ? s’écria le forgeron de plus en plus désolé ; encourager et récompenser le travail, la probité, rendre les hommes meilleurs en assurant leur bonheur, traiter vos ouvriers en frères, développer leur intelligence, leur donner le goût du beau, du bien, augmenter leur bien-être, propager chez eux, par votre exemple, les sentiments d’égalité, de fraternité, de communauté évangélique… Ah ! monsieur, pour vous rassurer, rappelez-vous donc seulement le bien que vous avez fait, les bénédictions quotidiennes de tout un petit peuple qui vous devait le bonheur inespéré dont il jouissait.

— Mon ami… à quoi bon rappeler le passé ? reprit doucement M. Hardy ; si j’ai bien agi aux yeux du Seigneur, peut-être il m’en saura gré… Loin de me glorifier… je dois m’humilier dans la poussière, car j’ai été, je le crains, dans une voie mauvaise et en dehors de son Église ;… peut-être l’orgueil m’a égaré, moi infime, obscur, tandis que tant de grands génies se sont