Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/97

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parés du commun héritage par l’astuce, par la force… et c’est de cela que Dieu s’afflige. Oh ! oui, s’il souffre, c’est de voir que, pour satisfaire au cruel égoïsme de quelques-uns, des masses innombrables de créatures sont vouées à un sort déplorable. Aussi les oppresseurs de tous les temps, de tous les pays, osant prendre Dieu pour complice, se sont unis pour proclamer en son nom cette épouvantable maxime : L’homme est né pour souffrir… ses humiliations, ses souffrances, sont agréables à Dieu… Oui, ils ont proclamé cela, de sorte que plus le sort de la créature qu’ils exploitaient était rude, humiliant, douloureux, plus la créature versait de sueur, de larmes, de sang, plus, selon ces homicides, le Seigneur était satisfait et glorifié…

— Ah ! je vous comprends… je revis… je me souviens, s’écria tout à coup M. Hardy, comme s’il sortait d’un songe, comme si la lumière eût tout à coup brillé à sa pensée obscurcie. Oh ! oui… voilà ce que j’ai toujours cru… ce que je croyais… avant que d’affreux chagrins eussent affaibli mon intelligence.

— Oui, vous avez cru cela, noble et grand cœur ! s’écria Gabriel, et alors vous ne pensiez pas que tout était misère ici-bas, puisque, grâce à vous, vos ouvriers vivaient heureux ;