Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/242

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regard sinistre : "Tu le tueras17, lui dit-il, et un autre te tuera." Cependant sa santé s’affaiblissait de jour en jour, sans qu’il renonçât à aucune de ses débauches ; patient pour paraître fort, accoutumé d’ailleurs à se railler de la médecine et de ceux qui, passé trente ans, avaient besoin, pour connaître ce qui leur était bon ou mauvais, de conseils étrangers.

   17. Caïus fit mourir, en effet, le jeune Tibère, dés la première année de son règne.
Dernières purges
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A Rome, on préparait les voies à des assassinats qui devaient avoir leur cours même après Tibère. Lélius Balbus avait accusé de lèse-majesté Acutia, qui avait été femme de P. Vitellius. Acutia condamnée, comme on décernait une récompense à l’accusateur, Junius Otho, tribun du peuple, opposa son intervention. Ce fut entre eux une source de haines, que l’exil d’Otho suivit de près. Une femme décriée par le nombre de ses amants, Albucilla, qui avait eu pour mari Satrius Sécundus, dénonciateur de Séjan, fut déférée comme impie envers le prince. On lui donnait pour complices d’impiété et d’adultères Cn. Domitius18, Vibius Marsus, L. Arruntius. J’ai parlé de l’illustration de Domitius. Marsus joignait aussi à d’anciens honneurs l’éclat des talents. Les pièces envoyées au sénat portaient que Macron avait présidé à l’interrogatoire des témoins et à la torture des esclaves. Le prince d’ailleurs n’ayant point écrit contre les accusés, on soupçonnait Macron d’avoir abusé de son état de faiblesse, et forgé peut-être à son insu la plupart des griefs, en haine d’Arruntius, dont on le savait ennemi.

   18. Le gendre même de Tibère, le mari d’Agrippine, mère de Néron. Voy. Suétone, Néron, chap. v.
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Domitius, en préparant sa défense, Marsus, en feignant de se laisser mourir de faim, prolongèrent leur vie. Pressé par ses amis de temporiser comme eux, Arruntius répondit "que les convenances n’étaient pas les mêmes pour tous ; qu’il avait assez vécu ; que tout son regret était d’avoir traîné, parmi les affronts et les périls, une vieillesse tourmentée, odieux longtemps à Séjan, maintenant à Macron, toujours à la puissance du moment et cela sans autre tort que son horreur pour le crime. Sans doute il pouvait échapper aux derniers jours d’un prince expirant ; mais comment éviter la jeunesse du maître qui menaçait l’empire ? Si Tibère, avec sa