Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prince, et les Éduens reçurent les premiers le droit de siéger dans le sénat. Cette distinction fut accordée à l’ancienneté de leur alliance, et au nom de frères des Romains, qu’ils prennent seuls parmi tous les Gaulois. A la même époque, le prince éleva les sénateurs les plus anciens, ou dont les pères s’étaient le plus illustrés, à la dignité de patriciens. Il restait peu des familles patriciennes de première et de seconde création, instituées par Romulus et par Brutus ; et celles qu’avaient ajoutées le dictateur César par la loi Cassia, l’empereur Auguste par la loi Sénia, étaient aussi presque éteintes. Cette partie des fonctions de la censure avait quelque chose de populaire, et Claude s’en acquittait avec joie. Plus inquiet sur les moyens de purger le sénat des membres déshonorés, il eut recours à un tempérament doux et nouvellement imaginé, plutôt qu’à la sévérité des anciens temps. Il dit que c’était à chacun d’interroger sa conscience et de demander à n’être plus sénateur ; que cette faculté s’obtiendrait sans peine, et qu’il présenterait les expulsions sans les distinguer des retraites volontaires, afin que la justice des censeurs, confondue avec celle qu’on se ferait à soi-même, en devint moins flétrissante. A cette occasion, le consul Vipstanus proposa de décerner à Claude le nom de père du sénat. Celui de père de la patrie était à son gré devenu trop vulgaire, et des services nouveaux voulaient être honorés par des titres nouveaux. Mais le prince arrêta lui-même le zèle du consul : il trouva que c’était pousser trop loin la flatterie. Il fit la clôture du lustre, où l’on compta six millions neuf cent quarante-quatre mille citoyens. C’est vers ce temps qu’il cessa d’ignorer la honte de sa maison : il fut forcé d’ouvrir les yeux et de punir les débordements de sa femme, en attendant qu’un autre mariage mît l’inceste en son lit.

Messaline

Débordements de Messaline

26

Dégoûtée de l’adultère, dont la facilité émoussait le plaisir, déjà Messaline courait à des voluptés inconnues, lorsque de son côté Silius, poussé par un délire fatal, ou cherchant dans le péril même un remède contre le péril, la pressa de renoncer à la dissimulation. "Ils n’en étaient pas venus à ce point, lui disait-il, pour attendre que le prince mourût de vieillesse : l’innocence pouvait se passer de complots ; mais le crime, et le crime public, n’avait de ressource que dans l’audace. Des craintes communes leur assuraient des complices ; lui-même, sans femme, sans enfants, offrait d’adopter Britannicus en épousant Messaline : elle ne perdrait rien de son