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et de lumière, auprès d’un échafaud qui celait aux regards une effigie encore mystérieuse. Les jeunes hommes apportaient des vers, les femmes des guirlandes ; quelques-uns offraient au souvenir la libation des larmes.

Bientôt, le voile qui dérobe les simulacres divins, tombant au signal accoutumé, découvrait, ennobli, purifié au contact de l’Art, promu à la vie éternelle, affranchi désormais dans la Beauté, le fantôme du cynique promeneur, de l’imbriaque et du nomade, terrassé là-bas, naguère, dans un bouge, par le démon de l’alcool.

Autour du buste, à la fois idéal et véridique, le statuaire Auguste de Niederhaüsen enchaînait une ronde pathétique de femmes dolentes et blessées, mais que rassérène « la chanson bien douce », la plainte confidente du poète, la suavité de cadencer leurs pleurs au rythme des beaux vers.

Et, dans cette apparition d’un chef-d’œuvre, — dont se peut enorgueillir même la France de Puget et de Clodion, — revivait le bohème calamiteux qui, sous la voûte des mêmes