Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/133

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Pour la physique, la question est toute différente ; tout d’abord le système développé par Philolaos doit être complètement écarté, comme formé d’éléments en général postérieurs à Pythagore. Mais je pense même que le Samien a d’autant moins imposé le secret sur ces matières, qu’il n’a pas eu à lui de système complet et qu’il enseignait, en grande partie, la physique ionienne, sauf certaines opinions qui lui étaient propres, et dont une partie seulement, à cause de leurs relations avec les mathématiques, se trouvèrent réservées à un cercle restreint. Jusqu’à quel point ce cercle se ferma complètement plus tard, même sous ce rapport, c’est une question dont l’examen peut être réservé pour le moment. En tout cas, la conjecture que je viens d’émettre me paraît la seule conciliable avec l’ensemble des faits connus ; il n’en résulte pas moins qu’en l’absence de documents authentiques directs sur les progrès réalisés de ce côté par Pythagore, nous ne pouvons deviner ses opinions particulières sur le monde que par les traces qu’elles ont pu laisser dans les écrits de ses contemporains ou des penseurs de la génération suivante.

2. Au milieu de données misérablement corrompues sur les assertions de Xénophane, Diogène Laërce (IX, 19) nous a conservé un trait précieux. Le poète de Colophon, tout en affirmant l’univers comme conscient, voyant et entendant, niait cependant qu’on dut lui attribuer la respiration ; il est difficile de méconnaître, dans cette négation, une polémique dirigée contre une doctrine contemporaine. Or, un siècle et demi plus tard, nous rencontrons encore la même négation dans le Timée de Platon (33 c), et cette fois nous ne pouvons guère douter qu’elle ne concerne une opinion qu’Aristote (Phys., IV, 6) attribue nettement aux pythagoriens ; car on ne la retrouve chez aucun physiologue, sauf peut-être Diogène d’Apollonie, chez lequel elle est plus que douteuse.

En tout cas, ce dernier étant incontestablement postérieur à Xénophane, le rejet formel, par celui-ci, de la respiration attribuée au cosmos, rapproché du témoignage d’Aristote, permet de constater qu’il s’agit là d’une doctrine remontant jusqu’à Pythagore lui-même, et, de plus, publiquement professée par lui. Reste à savoir jusqu’à quel point nous pouvons en dire autant de la formule de cette doctrine, telle que nous la trouvons dans Aristote :

« Les pythagoriens admettent l’existence du vide ; ils disent