Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Xénophane les mêmes antinomies que le traité De Melisso. Simplicius développe ces antinomies (ainsi que les démonstrations de l’unité et de l’éternité) dans des termes en concordance parfaite avec ceux de ce traité ; il cite les deux vers du fragment 4, et soutient qu’ils ne sont pas en contradiction avec la négation du repos ; il mentionne Nicolas de Damas comme ayant dit que l’univers de Xénophane était infini et immobile, Alexandre d’Aphrodisias comme ayant dit au contraire que cet univers était limité et sphérique ; enfin il termine par un complément où l’on retrouve en fait deux thèses que le traité De Melisso attribue à Xénophane, mais dont Simplicius n’avait pas encore parlé.

Il n’est pas étonnant qu’en présence de tous ces documents obscurs et contradictoires, la critique ait hésité.

Tout en reconnaissant qu’on ne peut aucunement se fier au traité De Melisso pour des propositions dont l’exactitude ne serait pas reconnue d’ailleurs, G. Teichmüller[1] me semble s’être trop abandonné à l’illusion de croire qu’il était possible de reconstruira des raisonnements faits par Xénophane ; il se demande si Simplicius ne peut avoir possédé, en dehors des écrits de Théophraste et du traité pseudo-aristotélique, une troisième source antique, où quelque Éléate aurait habillé en prose dialectique les vers du Colophonien. Cette hypothèse hardie me paraît insoutenable ; non seulement il faut s’en tenir, jusqu’à preuve rigoureuse du contraire, à ce fait que l’école péripatéticienne seule nous a réuni les documents authentiques pour l’histoire de la philosophie, mais encore il est impossible d’attribuer des antinomies à Xénophane sans commettre un anachronisme d’au moins un siècle. Si l’auteur du traité De Melisso n’avait pas de scrupule à cet égard et plaçait hardiment le Colophonien entre Zénon et Gorgias, il nous est défendu de prendre les mêmes libertés en l’absence de preuves absolument convaincantes.

Éd. Zeller[2] a surabondamment démontré que le traité De Melisso n’est point authentique et ne reproduit nullement les véritables doctrines de Xénophane ; il a établi avec la même force que Simplicius a compilé ce traité. Pour ce qui concerné Théophraste, il pense que le commentateur a fidèlement reproduit son texte au début du passage dont il s’agit, mais que ce texte doit être entendu, ce qui est possible à la rigueur, comme si le disciple d’Aristote

  1. Studien zur Geschichte der Begriffe, p. 591-623.
  2. La Philosophie des Grecs, II, p. 2-21.