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CHAPITRE VI

ANAXIMÈNE

I. — Le Concept du continu.


1. Qu’Anaximène ait ou non connu personnellement Anaximandre, ce que l’état de la chronologie ne permet pas de décider, il s’est certainement inspiré de l’œuvre de son compatriote ; s’il en a singulièrement modifié le système, au moins il a conservé les traits les plus généraux : l’unité de la matière, l’éternité du mouvement révolutif, la succession indéfinie des mondes qui ne s’organisent que pour périr ensuite. Enfin, en déterminant la forme primordiale de la matière comme étant celle de l’air, il lui a conservé l’épithète d’ « indéfinie » (ἂπειρον), par laquelle Anaximandre l’avait désignée.

Nous avons donc à nous demander quel sens le troisième Milésien attachait à cette expression ; il ne semble pas en effet qu’il ait pu l’employer dans la même acception que son précurseur, si cette acception est bien celle que nous avons été amenés à reconnaître.

Il ne s’agit pas de savoir comment cet attribut était entendu par Aristote et Théophraste, comment il l’a été dès lors par les doxographes. À cet égard, il n’y a pas de doutes ; pour les maîtres du Lycée, l’infini d’Anaximandre, c’est l’absolument illimité dans l’espace. Mais nous avons tout autant de motifs de récuser ce témoignage pour Anaximène que pour son précurseur, puisque l’un admet, tout aussi bien que l’autre, la révolution générale diurne, inconciliable avec la notion de l’infinitude de la matière.

À la vérité, Éd. Zeller (I, p. 247, note 2) soutient contre Teichmüller que l’éternel mouvement de l’air dont parlent les textes et qui serait l’origine de la genèse et de la destruction des