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dote, III, 129-137, Jamblique, De Pyth. vit., p. 506, 512). On se convaincra aisément que les connaissances astronomiques de Pythagore ont pu être complétées ultérieurement par des emprunts faits non seulement aux Grecs, mais encore aux Barbares.

4. S’il n’y a pour les rapports de doctrine entre Anaximène et Pythagore qu’un indice unique et tout à fait insuffisant, la comparaison avec les idées de Xénophane aboutit au même résultat négatif ; le seul rapprochement que l’on puisse faire est que le Colophonien et le Milésien ont également tenté des explications analogues de l’arc-en-ciel par l’action de la lumière solaire sur les nuées ; le fait est évidemment tout accidentel, quand même on admettrait que le phénomène en question avait été négligé par Anaximandre[1].

En revanche, nous pouvons faire ressortir une conception propre à Anaximène et qui suffit à prouver son originalité, quoique malheureusement le sens véritable de cette conception soit assez obscur.

Les textes des doxographes (2, 5) (9) nous apprennent qu’en dehors des astres ignés, le Milésien admettait des corps invisibles de nature terreuse, circulant en même temps dans l’espace céleste.

Teichmüller pense qu’il s’agit de la voûte solide du ciel, mais le pluriel des textes est peu explicable dans cette hypothèse ; Zeller voit dans cette indication celle d’un noyau terrestre pour les astres ; c’est bien le sens qui se présente le plus naturellement à l’esprit et c’est même assez probablement celui que prêtaient les doxographes à ce qu’ils copiaient. Mais il est dit d’autre part que le soleil et la lune sont ignés et minces comme des feuilles ; pourquoi Anaximène aurait-il donc doublé cette feuille d’une masse terrestre ?

Il ne s’agit bien certainement en tout cas que du soleil et de la lune ; car l’hypothèse ne peut avoir qu’un but, l’explication des éclipses et des phases. Si donc Anaximène a supposé, une face lumineuse et une face obscure dans chacun des deux astres, c’est qu’il admettait la possibilité de retournements cachant plus ou moins à nos yeux la face lumineuse. Ç’avait peut-être été là

  1. Le fragment 15 de Xénophane est au reste très vague ; Anaximène au contraire (11) cherche à expliquer les couleurs par la prédominance de la chaleur du soleil ou de l’humidité de la nuée ; le violet correspondrait d’après lui à des couches plus profondes, le rouge aux actions de surface. Quant à l’observation d’arc-en-ciel lunaire, on peut la mettre en doute ; peut-être Anaximène a-t-il voulu parler des halos.