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CHAPITRE VIII

HIPPASOS ET ALCMÉON


1. Les doxographes, à partir de Théophraste, accolent au nom d’Héraclite celui d’un autre penseur qui aurait, avant lui, professé les mêmes opinions sur le caractère primordial et divin du feu, sur la loi du mouvement perpétuel, sur la destruction et la rénovation périodiques du monde, etc. Ces opinions ne semblent pourtant attribuées à Hippasos de Métaponte que par une tradition qui ne s’appuyait sur aucun ouvrage original et dont la précision est dès lors suspecte ; la légende pythagorienne le représente d’autre part comme un disciple exclu de l’École, du vivant du Maître, pour s’être attribué la construction du dodécaèdre régulier ou pour avoir révélé la doctrine des irrationnelles géométriques, deux points qui, de fait, sont en liaison intime. Les dieux l’auraient puni en le faisant périr dans un naufrage ; mais auparavant il aurait aggravé ses torts, tant en prenant parti politiquement contre les pythagoriens fidèles qu’en publiant un « logos mystique », où il aurait révélé, en en dénaturant le sens, le symbolisme enseigné aux initiés. Par là, il serait devenu le chef d’une secte connue plus tard sous le nom d’acousmatique, chez laquelle les mathématiciens, tout en se prétendant seuls véritables héritiers de la doctrine de Pythagore, devaient cependant reconnaître au moins une connaissance imparfaite de cette doctrine.

Quelle part de vérité peut présenter cette légende ? sans doute on ne le saura jamais exactement ; en tout cas, elle ne présente aucune invraisemblance. Mais si ce « logos mystique » a existé réellement dès le commencement du Ve siècle avant J.-C., a-t-il exercé quelque influence sur Héraclite ? Est-ce par lui qu’il a connu Pythagore ou bien y a-t-il fait quelques emprunts notables ?