Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/221

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a d’autant plus le droit de le faire remonter au Maître que l’établissement de ce dogme exigeait une puissance mathématique réelle et telle qu’on ne peut guère la soupçonner, vers cette époque, que chez Pythagore. Il est à remarquer qu’à ce dogme se lie naturellement la détermination des zones tempérées qu’Aétius (III, 11) attribue aussi à Parménide. La théorie doit également en remonter à Pythagore, les connaissances géométriques qu’elle suppose, quoique déjà passablement complexes, ne dépassant point le niveau auquel on doit croire qu’il s’était élevé.

Faut-il donc reconnaître que, sur ces divers points, Alcméon n’avait pas reçu les enseignements de Pythagore ou faut-il supposer qu’il les avait rejetés pour suivre l’opinion commune ? Si l’on se rappelle ce que j’ai dit (p. 119 suiv.) sur le caractère du secret des doctrines pythagoriques, aucune de ces deux conclusions n’est nécessaire.

6. Diogène Laërce nous a conservé le début du livre d’ Alcméon : « Sur les choses invisibles, sur les choses mortelles, les dieux ont une claire connaissance ; aux hommes reste la conjecture. » On ne peut s’empêcher de rapprocher de ces paroles la situation, si singulière qu’elle soit, que prend Parménide par rapport à la vérité et à l’opinion et, tout en laissant à l’Éléate toute l’originalité de son argumentation moniste, on soupçonnera peut-être que, comme Alcméon, il suivait, jusqu’à un certain point, l’exemple de Pythagore bien plutôt que de Xénophane.

L’esprit mathématique du Samien ne pouvait manquer d’être frappé de la différence entre les vérités susceptibles d’une démonstration rigoureuse et les opinions auxquelles les apparences sensibles, rectifiées dans une certaine mesure par des raisonnements plus ou moins vagues ou plus ou moins fondés, ne peuvent assurer qu’une probabilité conjecturale. De là résultait pour lui, en tant que chef d’école et abstraction faite même de toutes ses croyances mystiques, la nécessité de deux enseignements : l’un demandait une longue et sérieuse préparation et ne pouvait être fait qu’à une élite choisie ; l’autre pouvait s’adresser à quiconque consentait à accepter sans discussion les opinions professées par le Maître.

Il n’est guère probable qu’il ait effectivement astreint à l’obligation du secret les disciples choisis qu’il admettait à son enseignement véritablement scientifique. Il n’en est pas moins certain que le fait même de leur élection devait les rendre passablement jaloux