Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/226

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d’Alcméon ; toutes deux attribuent au même titre la sensation au semblable à l’objet senti. Mais de la première Théopbraste conclut que, pour Empédocle, il n’y a point de différence entre la brute et l’homme; s’il n’a pas tiré la même conclusion de la seconde, c’est uniquement parce que Alcméon avait expressément affirmé la différence en question. Cependant ni Empédocle ni Parménide n’avaient à la nier et leur silence sur ce point ne doit nullement être interprété dans le sens que lui donne Théophraste.

Quant à l’Éléate, il ne semble point s’être occupé des sensations particulières, et si l’on examine sans prévention le passage où son opinion d’ensemble est rapportée {Appendice, 3, 4), il est clair qu’il se mouvait dans un ordre d’idées complètement différent de celui d’Alcméon traitant des sensations. Mais, bien loin de reconnaître des principes de doctrine opposés de part et d’autre, on peut constater que les points de départ sont les mêmes.

La confusion que fait Parménide entre la sensation et la pensée tient uniquement au peu de précision de sa langue poétique, et il n’y a pas à s’y arrêter avec Théophraste, pas plus qu’aux conclusions que ce dernier a pu en déduire sur l’identité du noos et de la psyché. A la date où nous sommes, on ne peut songer à une classification tant soit peu précise des diverses facultés, ni aux distinctions correspondantes de substances qui apparaîtront historiquement après Anaxagore. Quant aux sensations elles-mêmes, Alcméon avait plutôt essayé une description qu’une explication; on voit néanmoins percer dans cet essai la tendance à retrouver à l’intérieur des organes une substance identique à celle de l’objet perçu, le feu dans l’œil, l’air vibrant dans l’oreille, etc. Le principe d’explication de la perception du semblable par le semblable n’est nullement formulé; mais il se trouve comme sous-entendu. Ce principe, Parménide le dégage et le développe avec la rigueur logique qu’on lui connaît, en l’appliquant à ce que l’on peut appeler son hypothèse dualiste.

Mais cette hypothèse, que nous étudierons dans le prochain chapitre, ressemble singulièrement à celle d’Alcméon, si on l’applique à la constitution du corps humain. Le Crotoniate remarque les nombreux couples de contraires qui semblent lutter ensemble, prédominer tour à tour ou s’équilibrer dans cette constitution; le premier il conçoit la santé comme résultant d’un tempérament entre ces contraires, la maladie comme suite de l’excès de l’un d’eux. L’Eléate conserve la même idée en réduisant à un seul tous