Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/229

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à VI, 2) paraît beaucoup mieux représenter le texte des Placita primitifs. Alcméon aurait bien soulevé la question, mais en la laissant indécise; après lui la priorité aurait été attribuée au cerveau par Anaxagore et par Hippon, au cœur par Empédocle, sans que du reste ils aient eu recours à l’observation, pas plus que ceux qui émirent des opinions divergentes ; tous se laissent guider par des motifs a priori.

L’opinion attribuée à Alcméon, sur l’origine de la liqueur séminale, paraît également suspecte comme se rattachant toujours à l’idée du principat du cerveau et comme assez peu en concordance avec le texte de Censorinus ( i ). Mieux garanties semblent les données relatives à la nutrition du fœtus et à la stérilité des mules. Sur le premier point, Alcméon se montre d’une ignorance assez singulière chez un médecin; sur le second, il paraît au moins avoir cherché à observer la nature.

Enfin, la cause qu’il aurait assignée au sommeil et à la mort, indique assez bien chez le Crotoniate, en même temps qu’une étude réelle des faits, la tendance aux anticipations hâtives et aux rapprochements mal approfondis qui semble la condition inévitable du progrès scientifique au début de toute théorie. Alcméon avait remarqué, autant qu’on en peut juger à travers l’obscurité du texte, que les artères sont remplies de sang pendant la vie, vides pendant la mort. Dans ce qui pour nous n’est qu’une conséquence, il avait cru rencontrer la cause; comme maintenant le sommeil lui paraissait frère de la mort, il avait cru pouvoir conclure immédiatement qu’il était amené par cette même cause, agissant toutefois d’une façon moins complète.

En somme, les débuts de la physiologie, malgré l’ancienneté des pratiques médicales, nous apparaissent aussi informes, aussi entachés d’erreurs grossières, aussi embarrassés de questions mal posées que ceux des autres sciences naturelles. Tout était à faire pour les Grecs du V e siècle, sauf les fondements de l’astronomie, établis grâce aux longues observations des Chaldéens.

(*) V, 2, 3. « Hippon, de Métaponte ou de Samos, suivant Aristoxène, croit que la semence provient de la moelle, et cela lui paraît prouvé, parce que si on tue les mâles après la saillie des troupeaux, on trouverait la moelle épuisée. Mais cette opinion est réfutée par d’autres, comme Anaxagore, Démocrite, Alcméon de Crotone, qui répondent qu’après la saillie les mâles ont perdu non seulement de la moelle, mais aussi de la graisse et de la chair. »