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266 POUR l'histoire de la science hellène.

phénomènes comme limitée par l'espace. Les deux questions paraissent donc indépendantes.

S'il était vrai que dans son argumentation, Mélissos eût, comme on le prétend, entendu par infinitude l'infinitude dans l'espace, le vice de sa déduction serait palpable. Mais on ne doit certainement pas lui attribuer une pareille thèse, alors qu'il nie formellement que l'aêtre» soit étendu. Il entend sans aucun doute l'inûnitude au sens abstrait ; c'est là un concept dont il faut lui faire honneur, qu'il soit ou non valable, et dont il se sert pour affirmer l'unité.

Il est certain que la langue qu'il emploie est encore pleine de termes concrets (vide, plein, etc.); d'autre part, le raisonnement par lequel il établissait l'infinitude se trouve singulièrement écourté dans les fragments et il est difficile d'en rétablir le véritable sens.

Les fragments 1 à 5 sont donnés par Simplicius comme formant le début de l'écrit de Mélissos ; il y avait présenté le résumé de ses thèses pour les reprendre et les développer ensuite; malheureuse- ment les citations ultérieures ne donnent guère plus que le résumé lui-même.

J'appelle toutefois l'attention sur la dernière phrase du frag- ment 7. Elle implique la claire conscience que la permanence éternelle ne peut être attribuée qu'à la totalité de l'être, ce qui est tout à fait le point de vue moderne : la totalité des causes équiva- lente à la totalité des effets.

A la vérité, dans nos déterminations mathématiques, nous attribuons également cette permanence éternelle à des propriétés susceptibles de mesure, donc de limitation; la masse d'un corps est pour nous tout à fait indestructible, au même titre que la masse totale, et même l'affirmation de la permanence de cette masse totale serait illusoire, si nous la considérons comme infinie. Mais il s'agit là de concepts dont Mélissos ne pouvait certainement avoir le moindre pressentiment; nous devons nous borner à étudier en quoi ceux qu'il possédait peuvent être rapprochés des nôtres.

L'infinitude, d'après son argumentation, n'est que la négation de l'existence d'autres êtres; ce n'est donc qu'un synonyme de totalité pour l'ensemble des phénomènes. Mais, dans nos totalités concrètes, il y a toujours limitation, par exclusion de ce qui esl en dehors de la série dénombrée. Dans la série totale des phéno- mènes, où l'on ne doit rien exclure, la limitation est au contraire inconcevable, ce qui est encore le point de vue moderne.

Or, s'il est impossible d'établir que Mélissos ait suivi, autant

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