Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/290

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J’ai déjà expliqué (ch. VI, 4, et VIII, 7) comment Anaxagore avait été conduit à cette hypothèse: d’une part Anaximène avait imaginé des astres obscurs dont l’interposition pouvait produire les éclipses; d’un autre côté, les pythagoriens (Alcméon, Parménide) regardaient déjà la lune comme ayant une partie obscure et une partie lumineuse toujours tournée vers le soleil, ce qui est l’explication chaldéenne des phases. Anaxagore n’avait donc qu’à remarquer qu’un corps solide obscur, tel que le supposait Anaximène, devait naturellement, par suite de son éclairement par le soleil, présenter précisément les phénomènes des phases, tels que les pythagoriens les avaient reconnus; la lune, considérée comme opaque, suffisait donc pour expliquer les éclipses de soleil. L’idée de tenir compte de l’éclairement conduisait d’autre part à tenir également compte des ombres; Anaxagore rencontra donc aussi de la sorte l’explication des éclipses de lune.

Comme physicien, il alla plus loin, trop loin même; il conclut que la lune est une terre semblable à la nôtre et habitée comme elle, que tous les astres, le soleil lui-même, sont des masses solides incandescentes. Ces hardis paradoxes attirèrent sur lui la première accusation d’impiété qui ait atteint les novateurs scientifiques; mais comme astronome, malgré sa découverte capitale, il resta relativement arriéré et maintint malheureusement contre les doctrines pythagoriennes les antiques croyances ioniennes.

Il croit encore la terre plate; tous les astres ont pour lui la même forme, en sorte que son explication des phases reste, en réalité, tout à fait insuffisante; il conserve l’hypothèse d’Anaximène sur l’existence de corps célestes obscurs qu’il croit encore nécessaire pour expliquer en partie, soit les phases, soit certaines éclipses lunaires; son opinion sur les mouvements propres du soleil et de la lune revient également à celle d’Anaximène.

Il suppose ces deux astres très rapprochés de la terre, et même à une distance si faible qu’il est difficile d’expliquer comment il n’a pas reconnu son erreur.

On ne peut guère non plus se rendre bien compte de la singulière hypothèse qu’il émettait relativement à la voie lactée: d’après lui, le soleil étant plus petit que la terre, l’ombre de celle-ci devait s’étendre indéfiniment; la trace de cette ombre sur le ciel serait précisément la voie lactée, parce que, disait-il, les étoiles situées en dehors, se trouvant, même pendant la nuit, dans la partie du ciel où parviennent les rayons solaires, leur lumière propre en est