Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/318

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pores invisibles qui jouent un si grand rôle dans son explication des phénomènes particuliers; ce sont là les «ports accomplis de Cypris » (v. 208), au sein desquels se rapprochent la terre et le feu, l’onde et l’éther.

Cette même remarque nous suffit aussi pour expliquer comment Empédocle peut soutenir l’égalité de volume de ses divers éléments, malgré la prépondérance énorme des volumes apparents de l’air et du feu. C’est qu’il conçoit sans doute les pores de ces éléments plus subtils comme de beaucoup plus considérables que ceux de la terre ou de l’eau.

2. Ainsi l’amour et la haine chez Empédocle ne sont nullement des forces abstraites; ce sont simplement des milieux doués de propriétés spéciales et pouvant se déplacer l’un l’autre, milieux au sein desquels sont plongées les molécules corporelles, mais qui d’ailleurs sont conçus comme tout aussi matériels que l’éther impondérable des physiciens modernes, avec lequel ils présentent la plus grande analogie. Quant aux noms poétiques qu’Empédocle a choisis pour désigner ces milieux, ils ne doivent point faire illusion ; le fils de Méton aurait difficilement mieux trouvé pour exposer en vers, comme il se l’était proposé, des concepts aussi nouveaux que les siens. Mais il n’y a nullement là des personnifications mythologiques véritables, pas plus que quand les quatre éléments corporels sont appelés Zeus, Héré, Aïdôneus et Nestis; c’est simplement un appareil poétique dont l’esprit est au contraire aussi directement opposé à celui des croyances populaires que pouvaient l’être les interprétations allégoriques de l’école d’Anaxagore.

Quant à l’origine de sa conception, il est désormais bien facile de la reconnaître : Empédocle n’a nullement fait un pas en avant dans la voie ouverte par le Clazoménien ; il n’a nullement dédoublé, pour quelque raison mystique, le Noos organisateur du monde ; son point de départ est l’antique opposition pythagorienne de l’un solide et du vide, également conçu en fait comme un milieu matériel, qui crée les choses en pénétrant le principe corporel. Nous verrons mieux plus loin l’analogie entre cette idée et celle de l’action du Neîkos sur le Sphéros; pour le moment, l’indication suffit.

Empédocle n’a pas cru possible d’expliquer avec un seul élément corporel, connue l’avaient essayé les anciens physiologues, L’infinie variété des phénomènes; mais, au lieu de lui faire correspondre,