Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/332

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déjà acculée dans l’impasse de l’idéalisme, elle opposait, comme fait, la distinction familière à tous des trois états des corps, solide, liquide, aériforme, sauf à dédoubler la notion plus vague de ce dernier état, de façon à pouvoir rendre compte des phénomènes de chaleur et de lumière. Évidemment, il y avait une anticipation illégitime à affirmer que les combinaisons en proportions variées de ces quatre éléments suffisaient pour expliquer les innombrables propriétés des corps naturels; mais tant que l’étude n’alla pas plus avant, cette affirmation satisfaisait.

Obscurément battue en brèche pendant le moyen âge par les conceptions alchimistes, qui n’allaient guère pourtant qu’à augmenter de très peu le nombre des substances primordiales, l’antique théorie d’Empédocle devait subsister de fait jusqu’à la création de la chimie moderne. L’empirisme grossier l’avait suscitée, l’expérience scientifique la dissipa sans retour pour lui substituer un pluralisme indéfini, en face duquel l’idée monistique peut se relever avec avantage. Si voisine d’ailleurs que soit de nous l’époque où dominait encore le quaternaire d’Empédocle, la conception en est désormais tellement éloignée de nos habitudes d’esprit que nous avons peine à concevoir comment son règne a pu être si prolongé et si généralement reconnu, et ce n’est, pas là un des moindres problèmes qu’ait encore à résoudre l’histoire des sciences de la nature.


DOXOGRAPHIE D’EMPÉDOCLE


i. Théophr., fr. 3 (Simplic. in physic, 6 b). — De ceux qui admettent la pluralité des principes, les uns les regardent comme étant en nombre fini, les autres comme en nombre infini. Parmi les premiers, les uns en supposent deux, comme Pavménide suivant l’opinion, à savoir le feu et la terre (ou plutôt la lumière et l’obscurité), ou comme les stoïciens, à savoir dieu et la matière (le dieu n’étant d’ailleurs pas ptHs par eux comme élément, mais comme agent et la matière étant prise comme passive); d’autres en admettent trois, comme Aristote la matière et les contraires; d’autres quatre, comme Empédocle d’Agrigente, qui survint peu de temps après