Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/341

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tant de souffrances viennent troubler la pensée soucieuse ; | ils ne voient qu’une courte part d’une vie qui n’en est pas une, | et une prompte mort les dissipe comme une fumée. |40| Chacun ne croit qu’à ce qu’il a rencontré; | entraînés de tous côtés, ils s’imaginent vainement avoir présent devant eux l’ensemble universel; | mais ce sont là choses inaccessibles aux yeux, aux oreilles des hommes, | et même à leur intelligence. Toi donc, qui es venu ici, | tu ne sauras pas plus que ce que peut embrasser la pensée d’un mortel. |

45 1 Détournez, ô dieux, cette folie de ma langue, | faites couler une source pure de mes lèvres sanctifiées. | Et toi, vierge au bras blanc, Muse que poursuivent tant de prétendants, | je ne demande que ce qu’il est permis d’entendre aux éphémères humains; | prends les rênes du char sous les auspices de la Piété. |50| Le désir des fleurs brillantes de la gloire, | que je pourrais cueillir

auprès des mortels, ne me fera pas dire ce qui est défendu |

Aie courage, et gravis les sommets de la science; | considère de toutes tes forces le côté manifeste de chaque chose, | mais ne crois pas voir plus que ne te montrent tes yeux, |55| entendre au delà de ce qui est clairement énoncé, | et de même pour toutes les voies qui s’ouvrent à la pensée, | suspends la confiance en tes sens; pense chaque chose en tant qu’elle est manifeste | . . . Écoute donc, Pausanias, fils du prudent Anchitos | Écoute d’abord les quatre racines de toutes choses, |60| le feu, l’eau, la terre et l’éther immensément haut; | c’est de là que provient tout ce qui a été, est et sera. |

Livre premier. — Mon discours sera double : car tantôt l’un a grandi pour subsister seul | par la réunion des plusieurs, tantôt il s’est divisé pour leur donner naissance. | Ils sont donc mortels et double est la genèse, double la fin; |65| car, d’un côté, la réunion de toutes choses engendre et tue, |.de l’autre, leur désunion produit et dissipe. | Or, il n’y a jamais de terme au changement perpétuel, | car tantôt l’Amitié rassemble toutes choses en une, | tantôt elles se séparent, entraînées par la Haine. |70| Ainsi, en tant que l’un naît des plusieurs, | et qu’à leur tour, ceux-ci se constituent par sa division, | en ce sens l’un et les autres commencent et ne durent pas éternellement. | Mais en tant que jamais il n’y a de terme au changement perpétuel, | en ce sens ils subsistent toujours dans un cycle immuable. |