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APPENDICE I. — THÉOPHRASTE, SUR LES SENSATIONS

respirent aucunement. Et s’il faut que la respiration pénètre par tout le corps et non pas seulement dans certaines parties (ce qui ne produit que de minces effets), rien n’empêche que par là même tous les animaux ne soient doués de mémoire et de raison... et quand même, il n’y aurait pas d’empêchement. Car l’intelligence ne réside pas dans toutes les parties du corps, par exemple dans les jambes ou les pieds, mais seulement dans certaines parties déterminées qui, pour les hommes à l’âge de raison, servent à la mémoire et à l’intellect.

48. Il est également niais de faire différer les hommes suivant qu’ils respirent plus ou moins pur, et non par leur nature, comme diffèrent les êtres animés des inanimés. Il faudrait donc que le simple changement de lieu modifiât l’intelligence, et que celle-ci fût au plus haut degré chez les habitants des lieux élevés et surtout chez les oiseaux ; car la nature de la chair est loin d’être aussi différente que la pureté de l’air. On ne peut pas approuver davantage ce qu’il dit, que les plantes ne pensent pas, parce qu’elles ne renferment pas de vide, comme si tout ce qui en renfermait devait penser. Ainsi que je l’ai dit, Diogène s’écarte donc souvent du vraisemblable en désirant tout ramener à son principe.

49. Démocrite ne détermine pas, au sujet de la sensation, si elle a lieu par les contraires ou par les semblables. S’il rend compte de la sensation par le changement, il semblerait l’expliquer par les contraires, car il n’y a pas changement du semblable par le semblable ; mais il paraît de l’opinion opposée, quand il ramène la sensation et en général le changement à l’état passif, quand il dit que cet état est impossible sans identité avec l’agent. Si donc il admet une différence des objets, l’effet n’aurait pas lieu en tant qu’il y a différence, mais en tant qu’il y a quelque chose d’identique. Ainsi on peut entendre ce qu’il dit dans les deux acceptions. Voici maintenant comment il essaie d’expliquer chaque sens.

50. La vision, d’après lui, se produit par l’image ; mais sur celle-ci il a une opinion particulière, car il ne la fait pas produire immédiatement sur la pupille, mais l’air, entre l’œil et l’objet, recevrait une conformation en se resserrant sous l’action de l’objet vu et du voyant ; car toute chose émet constamment une certaine effluve. Puis cet air, ayant ainsi pris une forme solide et une couleur différente, fait image dans les yeux humides ; car ce qui est dense ne le reçoit pas, ce qui est humide le laisse pénétrer. Aussi les yeux mous sont meilleurs pour voir que les durs ; il faut que la tunique