Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/71

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à la pleine lune pour le second, avec l’un ou l’autre de deux points idéaux de la sphère céleste (les nœuds de l’orbite lunaire) diamétralement opposés entre eux et animés d’un mouvement déterminé sur l’écliptique. Dans l’astronomie hindoue, qui dérive de l’astrologie gréco-orientale, les éclipses sont causées par un dragon céleste, auquel on attribue le mouvement correspondant. Le langage technique de l’astronomie moderne, en désignant comme tête et queue du dragon les nœuds ascendant et descendant de l’orbite lunaire, a longtemps conservé des traces de cette antique croyance, qui fut probablement l’explication primitive du phénomène. Elle est encore de nos jours rappelée par les symboles figurés de ces nœuds, empruntés aux manuscrits grecs. Si jusqu’à présent elle n’a pas été retrouvée dans la mythologie chaldéenne, on peut faire un rapprochement avec le serpent Apap des Égyptiens, qui lutte éternellement contre les dieux célestes.

Comme au reste c’est avec les Égyptiens que la légende met Thalès en rapport, il faut se demander s’ils connaissaient également la période de l’exéligme. On n’en a pas de preuves directes ; toutefois, si l’on en croit Diodore de Sicile, les prêtres de Thèbes prédisaient les éclipses tout aussi bien que les Chaldéens ; or, il leur fallait posséder pour cela, soit la période, soit, comme semble l’indiquer Adraste dans Théon de Smyrne (Astron., 30), des procédés graphiques. Mais, dans cette dernière hypothèse, on serait conduit à admettre pour leurs observations une exactitude improbable et l’emploi d’instruments dont l’invention paraît bien due aux Grecs ; d’autre part, il n’est guère douteux que la période des 223 lunaisons ne fût connue d’Eudoxe, et il semble bien l’avoir rapportée d’Égypte.

Il est d’ailleurs parfaitement possible que, dès avant Thalès, les prêtres de ce dernier pays aient emprunté aux Chaldéens les notions nécessaires pour la prédiction des éclipses. L’astrologie orientale a pu n’avoir qu’un seul berceau ; mais, dès sa naissance, elle eut droit de cité dans le monde entier ; quand, après les conquêtes d’Alexandre, on la voit s’assimiler les travaux du génie hellène et propager ses erreurs plus rapidement que ne progressèrent les vérités astronomiques, on peut croire qu’au commencement du viie siècle av. J.-C., vers l’époque où les légendes classiques placent le roi-astronome Nécepsos, elle trouva un champ fécond dans la vallée du Nil et pénétra jusque dans