Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
CHAPITRE III. — THALÈS DE MILET.

qu’on ne devrait le conclure des témoignages d’Eudème ; moins, sur d’autres, qu’on n’a, le plus souvent, cherché à le soutenir. Mais, en fait, rien n’indique qu’il ait dépassé les Égyptiens, ni qu’il ait fait preuve d’un véritable génie d’invention. Vouloir qu’il y ait un théorème de Thalès, comme il y a un théorème de Pythagore, ou, en général, attribuer aux anciens, fût-ce en mathématiques, « soit les principes de leurs conséquences, soit les conséquences de leurs principes, » c’est déserter le terrain solide pour se lancer dans le domaine illimité des conjectures. On n’est déjà que trop souvent forcé de le faire, quand il s’agit soit de combler une lacune dans les renseignements historiques, soit de les interpréter, lorsque le sens en est ambigu. Mais ici ce n’est pas le cas ; il s’agit simplement de préciser le moment où s’est révélée l’originalité mathématique de la race hellène, après les emprunts qu’elle a commencé par faire à l’Égypte. Or les travaux attribués à Pythagore présentent un caractère nettement spéculatif et ils semblent dépasser du premier coup le niveau des connaissances égyptiennes ; pour Thalès, rien de semblable ; toutefois la distance n’est pas telle qu’il faille supposer un intermédiaire. La conclusion est facile à tirer.

6. Simplement disciple des Égyptiens pour la géométrie, Thalès les a-t-il dépassés en astronomie ?

D’après un extrait que nous a conservé Théon de Srnyrne (Astronom., p. 322), Eudème attribuait au Milésien, outre la prédiction des éclipses de soleil, la découverte de la non-uniformité de la circulation annuelle de cet astre. Je n’ai pas à revenir sur le premier point, que j’ai cherché de réduire à sa juste valeur, mais qui est suffisamment établi par les témoignages historiques ; quant au second, il est probable qu’Eudème s’appuyait sur un ouvrage d’au plus 200 vers, Sur le solstice et l’équinoxe (Diog. L., I, 23, cf. 34), plus ou moins sérieusement attribué à Thalès, mais qu’on pouvait en tout cas considérer comme représentant sa doctrine.

La signification exacte du texte qui nous occupe (τὴν κατὰ τὰς τροπὰς περίοδον, ὡς οὐϰ ἴση ἀεὶ συμϐαίνει) est ambiguë. Th.-H. Martin y voit l’opinion erronée que la durée de l’année tropique n’est pas constante, opinion où l’incertitude des observations entraîna plus tard divers astronomes de l’antiquité. Mais il n’y a aucun autre indice que cette question ait été soulevée avant Eudème, et