Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/99

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La représentation de la surface de la terre suppose qu’il avait cherché à en évaluer les dimensions ; si, malheureusement, nous n’avons aucune indication sur ce point, on doit admettre que les renseignements qu’il avait pu recueillir d’après les journées de marche ou de navigation, l’avaient conduit à exagérer singulièrement les distances sur la terre connues à cette époque. Tel est, en effet, le caractère des premières estimes qui ont été faites de la circonférence de notre globe et qui ne paraissent pas remonter au delà du ive siècle av. J.-C.

Il est singulier que le premier géographe ne nous soit pas représenté comme un voyageur ; cela tient peut-être uniquement à l’absence de données sur son compte ; en tout cas, Anaximandre nous apparaît comme un homme curieux de la science, possédant des connaissances pratiques sérieuses, capable enfin de concevoir et d’exécuter des projets neufs ou hardis.



II. — Le Système.


5. Au sujet des opinions professées par Anaximandre dans un écrit sur la nature, les témoignages de l’antiquité présentent des obscurités et des contradictions faciles à comprendre. Cet écrit, peu développé et composé dans une prose encore embarrassée des formes et des images poétiques, devint bientôt difficile à comprendre, dès que les concepts commencèrent à se préciser ; on le négligea donc pour se borner à des renseignements de seconde main, et dès lors l’ensemble du système fut bien vite méconnu. D’autre part, le défaut de critique fit attribuer à l’antique physicien les connaissances scientifiques devenues vulgaires et l’ordre d’idées courant dans le siècle où l’on écrivait. Les données les plus vagues furent interprétées dans ce sens ; pour n’en citer qu’un exemple, Simplicius, apprenant par Eudème qu’Anaximandre avait le premier spéculé sur la distance des astres, et sachant que l’observation des éclipses est le moyen d’obtenir des données à cet égard, conclut que le Milésien connaissait la théorie de ces phénomènes, ce qui lui semble d’autant moins étonnant que Thalès avait déjà prédit une éclipse de soleil.

C’est là faire d’Anaximandre un Aristarque de Samos ou un Eudoxe, c’est confondre l’auteur d’une hypothèse hardie sur un point inconnaissable de son temps avec l’inventeur du pro-