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Du Convoiteux et de l’Envieux


Messieurs, je vous ai jusqu’ici assez conté de mensonges. Je vais enfin vous dire une aventure vraie, car le conteur qui ne sait que des fables ne mérite point de paraître à la cour des grands. S’il entend son métier, il doit entremêler habilement ses historiettes, et entre deux vertes avoir soin d’en faire passer une mûre. Telle est la mienne que je vous garantis vraie.

Il y a un peu plus de cent ans que vivaient deux compagnons, gens assez pervers. L’un était un convoiteux dont rien ne pouvait rassasier les désirs, et l’autre un envieux que désespérait le bien d’autrui. C’est un homme bien haïssable que l’envieux, puisqu’il déteste tout le monde ; mais l’autre est encore pire, je crois, car c’est la convoitise et la rage d’avoir qui fait prêter à usure, qui pousse à inventer des mesures fausses, et qui rend injuste et fripon.

Nos deux gens donc, un jour d’été qu’ils faisaient route ensemble, rencontrèrent dans une plaine saint Martin. Le saint, au premier coup d’œil, connut